Yv

http://lyvres.over-blog.com/

Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Conseillé par
4 mai 2011

Retour de Viviane Lancier, après La commissaire n'aime point les vers. Et ça commence tout pareil : Viviane a repris du poids, ne se sent pas vraiment sexy, ni désirable, s'habille n'importe comment et mange de tout en dépit du bon sens, celui qui voudrait qu'elle s'alimentât plus légèrement pour tenter de retrouver une ligne plus fine. Mais Viviane ne résiste pas à un plat lourd et copieux.

Beaucoup d'humour dans la première partie du livre, notamment lors de la réception en l'honneur du retour d'Augustin Monot
Puis, la commissaire et Willy Cruyff arrivent au Club. Lui, très beau, corps d'athlète, toujours prêt à ouvrir la conversation avec les autres, il réussit même à se faire des connaissances dans les files d'attente ! Elle, coincée, complexée, incapable d'aller vers autrui, totalement paralysée à l'idée de passer quelques jours dans un Club de "Bronzés". Comme je la comprends Viviane : je frémis à l'idée de passer une semaine dans un Club, entouré de "cocos" et de "kikis" (respectivement les animateurs et les animatrices), obligé de me coltiner le karaoké, les repas-buffets de maigre qualité ! Et c'est là que le livre à l'instar de son héroïne, devient plus nostalgique ; l'humour est moins tranchant et l'on sent beaucoup plus la véritable détresse de Viviane. Ou alors, c'est moi qui, redoutant cette terrible épreuve et voyant Viviane la vivre si douloureusement, me suis totalement projeté et n'ai alors plus ressenti l'humour de Georges Flipo. Mais si je dis que je trouve ce deuxième tome moins drôle, je ne le considère pas moins bon. Différent, mais ressemblant tout de même. Suis-je clair ?

Dans tout le milieu du livre, la commissaire a du mal à prendre sur elle-même pour avancer. Elle aimerait tant avoir son lieutenant Monot à ses côtés. Monot, l'intellectuel, Monot le littéraire -qui, soit dit en passant, lui lira quelques passages de poèmes érotisants d'Apollinaire au téléphone, puisque pour se mettre à niveau, Viviane se lance dans la lecture de ce poète ! Mais elle n'est pas insensible non plus au charme de Cruyff. Cruyff, le sportif, Cruyff, l'adepte du beau corps. Un intellectuel et un sportif, à eux deux, l'homme parfait pour Viviane. Au(x)quel(s) elle céderait volontiers, mais de concours de circonstances en pudeur mal placée et d'aléas en retenues, Viviane... sautera-telle -si je puis m'exprimer ainsi- le pas ? Vous le saurez, en lisant La commissaire...

Venons-en maintenant à l'intrigue : un vrai casse-tête, digne -ou inspiré- du Mystère de la chambre jaune. Elle tient bien la route, met à jour les pratiques douteuses au sein du Club. Sans être haletante, elle m'a étonné jusqu'au bout : je ne m'attendais pas à cette fin.

Pouf, pouf, résumons : si on met un peu d'intrigue bien ficelée, des personnages qui doutent -enfin surtout Viviane-, d'autres qui ne se posent aucune question et avancent au jour le jour -là, c'est Cruyff-, des situations drôles -mais pas que- un contexte effrayant -le Club- que l'on mélange le tout joliment grâce à une belle écriture -toujours chez Georges Flipo, enfin ce que j'en ai lu bien sûr- eh bien vous vous retrouvez avec un bon livre policier digne descendant de La commissaire n'aime point les vers et probablement digne ascendant de La commissaire n'aime point... ou n'a point..., ou n'est point...que je programme déjà comme une de mes prochaines lectures -Ouh la la qu'elle est longue mon ultime phrase !

Conseillé par
4 mai 2011

Ça y est me voilà sur le coup ! Bien après tout le monde, je lis ce fameux roman très encensé. Me voici comblé : je n'aime pas avoir l'impression que nous lisons tous en même temps les mêmes livres ; j'ai donc pris mon temps pour accéder à celui-ci. Et bien m'en a pris, parce que du temps, il en faut pour savourer ces presque 400 pages de lenteur, de nature, de petites choses du quotidien, de questionnements. Parce qu'il ne se passe quasiment rien dans ce roman. Bon, certes, il y a des morts, mais sur quarante ans, c'est un peu prévisible, et à part une mort accidentelle, les autres sont plus normales, si je puis dire. C'est lent, c'est excessivement lent, mais ça n'est pas long. Jamais je ne me suis ennuyé à lire les journées d'Helmer. Il y a même des descriptions de gestes banals qui durent et qui se lisent très bien, notamment la préparation du café ou des repas pour le père d'Helmer avant de les lui porter dans sa chambre.

Gerbrand Bakker écrit donc sur un vieux garçon qui a toujours subi, lui "le second choix", puisque son père lui a toujours préféré Henk, et qui enfin se pose des questions qui vont le faire avancer. Ou plutôt qui ose avoir des réponses jusque là bien enfouies. Il écrit surtout sur la gémellité, sur la souffrance qu'a ressenti Helmer lorsque son frère, pour Riet, s'est éloigné de lui :

Cette séparation le met très mal à l'aise, lui, déjà pas forcément très sûr de lui. Ensuite, à la mort de Henk très proche de ce jour néfaste, Helmer sera bien incapable de s'opposer à son père lui imposant de reprendre la ferme. Il lui faudra trente-cinq années pour réagir et se rebeller. Pour prendre sa vie en mains.

Dans le même temps, l'auteur dit la différence entre ces jumeaux : pourquoi l'un est le préféré du père ? Pourquoi Riet préfère Henk à Helmer ? Sont-ils si ressemblants ? Et quid de la question importante de leur différence sexuelle : Henk était amoureux de Riet, très belle jeune femme. Helmer est beaucoup plus troublé par les hommes qui l'entourent, notamment Jaap, le garçon de ferme. Peut-être me trompé-je, mais il me semble y voir là plus que l'amitié entre deux hommes.

Très bien écrit, ce livre tient son lecteur jusqu'au bout, sans suspens, sans rebondissement, juste en racontant la vie de cet homme ordinaire. J'ai espéré tout au long du livre en un changement pour Helmer. Chaque lecteur -dont moi- a dû, j'imagine, suivre sa "quête du bonheur" (4ème de couverture) avec l'envie forte qu'il le trouve.

On dit souvent -voyons, je pourrais prendre mes responsablilités et dire : "Je dis souvent..."-des personnages qu'ils sont attachants, et c'est souvent le cas, mais s'il doit y en avoir un qui l'est un peu plus que les autres, c'est bien Helmer -dans la seconde qui suit ce que je viens d'écrire, je peux vous en trouver au moins douze autres qui le sont tout autant que lui, comme quoi, ce que j'écris n'est pas toujours vérité !

Un texte envoûtant bien que sans artifice (des phrases simples, des mots simples), des paysages et une nature nordiques très présents, des questionnements existentiels sur le sens de la vie, de la sienne et de celles des autres font que ce roman charme, captive et fascine (c'est sans doute un peu fort comme terme, mais il y a un peu de cela quand même pour nous tenir 400 pages.) Comme quoi, quand c'est bien écrit, je peux m'intéresser à des livres lents !

Le Masque

Conseillé par
4 mai 2011

Je ne vais pas faire mon puritain et dire que je n'aime pas les histoires de drogue et de sexe omniprésents, mais c'est un peu cela tout de même. Disons que ça ne m'intéresse pas plus que cela, que ce n'est pas forcément ce que je recherche dans mes lectures. J'ai donc commencé ce livre avec beaucoup de réserves. Réserves que je gardais tout au long des premières pages. Le langage est souvent cru, direct, les phrases parfois pas finies, bourrées d'acronymes, de mots-valises, de néologismes. Et puis, et puis...

Je me suis bien fait avoir. Ce que je peux reprocher au style de l'auteur dans la ligne juste au-dessus est finalement ce qui fait la force du roman. Construit en tous petits chapitres, très rapides, très accrocheurs, le livre est provocant et diablement prenant. Premier chapitre : "Fuck you." (p.11), bon je vous l'accorde, on fait plus léger et plus distingué. Don Winslow dresse le portrait de jeunes gens vivant dans un monde méchant et cruel : les êtres fragiles n'y ont pas place.

Même la mise en page est étonnante, déroutante et hors normes. Je ressors donc de ce roman un peu groggy, parce que ça cogne dur, parce que les personnages, malgré le monde ultra violent dans lequel ils vivent et qu'ils contribuent à rendre ainsi, sont plus vulnérables qu'ils ne veulent bien le dire et attachants.

Heureusement, pour faire passer la pilule, Don Winslow n'hésite pas à jouer d'humour :
Attention donc, si vous mettez le nez dans ce livre, vous risquez de devenir accro. Se déguste jusqu'au bout, jusqu'à la scène finale.

18,50
Conseillé par
4 mai 2011

Le premier roman d'Alberto Torres-Blandina, Le Japon n'existe pas, m'avait bien plu, dans un registre comico-ironico-léger. Pour son second roman, l'auteur est parti explorer un domaine totalement différent : celui de l'amour : la passion, la tendresse et bien sûr l'amour absolu, celui qui dure toujours : "nous aimer pour toujours, comme on n'aime que dans les poèmes." (p.199)

Jaime est un homme installé, marié et père de famille qui ne rêve que d'aventures, qui se pose des questions sur la durée de l'amour, sur la fidélité, sur la paternité et qui se demande ce qu'il aurait fait s'il n'avait pas suivi ce chemin. Mais il n'ose pas franchir le pas de l'adultère, malgré quelques occasions, de peur de ne plus pouvoir se regarder en face.
Alberto est l'homme à femmes, celui qui devient totalement paranoïaque et désemparé lorsque sa compagne Elisa se fait violer. Rien ne sera plus comme avant. Lui, l'homme aux conquêtes, ne drague plus, ne fait plus l'amour et quitte Elisa. Il voue de la haine aux hommes, tous ceux qui auraient pu violer Elisa. Il est détruit. Ne réussit pas à remonter la pente
Elisa est la femme amoureuse, qui pardonne à Alberto ses aventures. Elle est entière, indépendante. Violée, elle a énormément de mal à se remettre. Elle pense à la mort, à l'amour à mort. Elle cherche désormais l'amour absolu, celui qui ne peut baisser en intensité et celui qui la sauvera de son mal-être, qui la lavera de ce qu'elle ressent comme une salissure, son viol.

Dit comme cela, ce livre peut paraître noir, triste ; je ne vais pas vous mentir en vous disant qu'on rit à toutes les pages, mais je peux vous dire qu'il est surtout très profond. La réflexion des personnages est poussée à fond, ce qui dérange le lecteur bien obligé de se mettre en question lui-aussi. Il est construit en cinq parties de trois chapitres chacune, un par narrateur. Cette construction permet de maintenir un intérêt tout au long de la lecture. Bien écrit, simplement, pas de tournure de style alambiquée, point de phrases incompréhensibles. Chaque personnage, bien distinct, est une facette de l'humanité :

"Elle vient de découvrir qu'elle ne peut pas me haïr. Que nous sommes la même personne. Que derrière les noms et les nuances, nous sommes tous exactement la même personne perdue sous divers déguisements." (p.200)

Si vous aimez les histoires plan-plan, ne notez pas ce titre. Si vous aimez être dérangé par vos lectures, foncez ! Je vous avouerai sincèrement qu'un récit aussi intimiste ne m'avait pas bousculé autant depuis longtemps ! Assez facile de se projeter dans un des personnages ou dans les trois en même temps. Alberto, qui est pourtant très loin de ce que je suis dans la vie me touche particulièrement : son récit me paraît être le plus fort, le plus dense.

"Une histoire qui ne vous quitte plus" (4ème de couverture). Un auteur assurément à suivre !

Conseillé par
21 avril 2011

Connaissez-vous Léo Tanguy, cyber-enquêteur qui travaille dans une Bretagne d'anticipation proche (ce livre se déroule en 2019) ? A la manière du Poulpe, Léo Tanguy est un personnage inventé par quatre écrivains, Gérard Alle, José-Louis Bocquet, Denis Flageul et Sylvie Rouch. Pour s'en emparer et écrire une histoire avec Léo, il suffit de respecter la bible le concernant. L'idée est de faire des polars régionaux de qualité en s'inspirant des recettes poulpesques. A l'heure actuelle, 16 romans avec Léo Tanguy ont été écrits, dont un par Jean-Bernard Pouy, créateur de Gabriel Lecouvreur, référence en la matière.

Là, c'est Stéphane Pajot qui s'y colle. Journaliste-écrivain nantais, grand connaisseur de tout ce qui touche à cette ville, il fait donc venir Léo Tanguy dans la cité des Ducs. Il a laissé libre cour à son imagination et a refait de Nantes la Venise de l'Ouest. En effet le nouveau maire, un écolo, a fait recreuser les canaux qui, avant les années trente (mille neuf cent trente) sillonnaient la ville avant d'être comblés. Nantes est aussi devenue, sous la plume de l'auteur, la ville ayant l'un des plus beaux carnavals de France, grâce à la reprise en mains du comité des fêtes par des gens motivés et totalement fous. Les machines pullulent -pour ceux qui ne les connaissent pas, suivez le lien précédent- et sont devenues en quelque sorte la marque de fabrique de la ville, ce qu'elles sont réellement un peu déjà, grâce au fameux éléphant.

Léo débarque donc dans cette ville tendue à l'approche du très proche carnaval, qui, en cette année 2019, a pour thème l'enfer ! C'est dire si un cocon géant accroché aux colonnes de l'opéra Graslin n'impressionne personne il est d'ailleurs pris comme une performance artistique. Sauf que lorsqu'on sort de ce cocon, un vrai cadavre, les humeurs changent et les flics et les journalistes emplissent les rues de la ville à la recherche du tueur.

L'enquête n'est sans doute pas exceptionnelle, mais elle est un très bon prétexte pour l'auteur pour nous parler de la bataille de la presse, les "coups" en douce, les "coups" foireux à faire à ses concurrents pour avoir le meilleur scoop (Stéphane Pajot donne même l'origine du mot scoop à laquelle je ne m'attendais pas du tout), la pesse écrite survivra-t-ele à l'Internet ? A Nantes, en 2019, oui ! Cette enquête est aussi l'occasion pour l'auteur de nous promener dans les rues d'une ville en totale mutation, d'une ville qui veut vivre sa folie et son délire : exactement ce que fait très bien Stéphane Pajot, dans son livre. Mi-passéiste, en revenant sur son histoire, négrière par exemple, pour l'exorciser, mi-avant-gardiste et promouvant ses créations artistiques grandioses et originales et mi-visionnaire -oui, je sais, ça fait un "mi" en trop, mais je viens d'avoir une troisième idée, ipso facto de dernière minute, et comme je trouvais la construction de ma phrase pas mal, alors, j'ai décidé de garder les trois "mi"- à la Jules Verne (LE grand homme nantais).

Léo, qui connaît un peu la ville, se prend quelques cuites au muscadet -on a l'alcool qu'on peut, c'est peut-être plus chic au bourbon ou au whisky, mais le résultat est globalement le même : un gros mal de cheveux le lendemain !- tente d'infiltrer un groupe de nazillons qui se rassemble sur une péniche et fait même un tour en "pou-du-ciel", sorte de mini-avion qui survole et surveille la ville.

Bien écrite, style rapide, jeux de mots fréquents, humour et ironie omniprésents, mots d'argot, de patois nantais -qui ne nuisent pas à la bonne compréhension- cette enquête se laisse lire très agréablement, même si Léo est un peu naïf et crédule et qu'il ne la résout pas vraiment, enfin pas seul. J'aime bien. A tel point, que me voilà maintenant très tenté de lire d'autres aventures de Léo Tanguy. Et les prochains livres de l'auteur.

Amis bretons -et les autres aussi- n'hésitez plus, nous avons -je m'inclus, en tant que Nantais, même si je sais qu'au fin fond de la Bretagne, ça peu râler un peu, mais c'est quand même nous qu'on a l'château- nous avons, disais-je notre cyber-enquêteur, journaliste des temps modernes en la personne de Léo Tanguy. Et en plus le livre, il est pas cher (8€) ! Bien vendu, non ?