Conseillé par
17 décembre 2010

une livre qui vous emporte

Voici un extrait qui reflète tout à fait l'esprit de ce livre, le ressenti même que j'ai eu en le lisant, un effet remarquable qu'a su retranscrire l'auteur en nous livrant ce beau roman.

"Il y a tout ce que nous comprenons, tout ce que nous sommes capables de transcrire en essayant d'être au plus près. Et puis il y a le reste. Tout le reste. Le monde des apparences, des silences. La vastitude de l'innommable.
Ce monde est intranscriptible. Il répond à une autre logique. Parfois même, il n'a aucune logique.
Il faut décoder.
Le déplacement imperceptible. Sans doute est-ce là ce fameux pas de côté cher à André Breton. La juste mesure à prendre pour avoir une vision différente.
Un pas peut suffire. "

Le titre comporte une attirance particulière rappelant l'épitaphe d'André Breton, citée plus haut, il vous fait rêver avant même d'avoir lu un seul mot. Il y a comme ça des livres qui vous submergent et vous plongent dans un drôle d'état. Tout comme notre héro de ce roman, qui est attiré comme un aimant dans la demeure d'Alice, femme âgée, le rudoyant et à la fois le piégeant avec son histoire, celle de son père, d'André Breton exilé durant la seconde guerre mondiale.

Alice nous ouvre les portes sur la culture Hopi, et détourne ce père de famille de sa femme. On ressent la faiblesse le gagner, délaissant de plus en plus sa maison pour se réfugier chez Alice, qui organise des escapades ici et là, accaparant ainsi son temps libre. Et doucement, vient les confidences d'Alice. Jusqu'au bout, l'auteur nous tient enchaîné à ce drôle de couple que forme Alice et cet homme sans nom qui boit ses mots. Anna sa femme, lui demande à plusieurs reprises ce qui l'attire chez elle, ce qu'elle lui apporte que elle-même ne peut lui donner. Interrogation que toute femme est en droit de se poser quand un homme délaisse une femme pour une autre c'est forcément qu'il y trouve autre chose.

L'écriture n'est pas toujours poétique, mais c'est l'atmosphère qui se dégage de cette histoire qui nous subjugue tant et si bien qu'on ne peut guère lâcher le livre avant la fin. On retrouve toute la magie de Claudie Gallay, des personnages auxquels on s'attache, plus envie de les quitter, mais envie d'intervenir dans l'histoire, d'en connaître la profondeur et la matière.

Par moments l'homme se reprend, et reste avec sa famille savourant cette vie tranquille et bien rythmée, regardant sa femme dans toute sa splendeur, chérissant ses filles, jouant avec elles, puis revient en force cette attirance vers cette demeure où se cache bien des mystères et des légendes que lui conte Alice, entourée de sa sœur Clémence, et de ce chat Voltaire, dans le jardin la présence d'un enfant qui semble juste invisible aux yeux de tous, et cette armoire emplie de souvenirs, ses pièces sans électricité, cette table figée dans le temps d' un certain Noël... Tous ces personnages, ces faits, rendent l'ambiance en apesanteur, Alice orchestrant si bien ce petit monde, sachant nourrir le suspense de jour en jour.

L'histoire est entrecoupée par ce pan de la vie d'André Breton, nous voguons sur une double dimension spatiotemporelle de la Normandie actuelle au sein du peuple Hopi des années 40 en Arizona.

Une lecture prenante, intéressante, passionnante... le secret d'Alice sera dévoilé qu'en fin de roman.

C'est une lecture qui nous emporte comme la pensée des Hopi qui va au-delà du visible, c'est troublant.

Une écriture par moments très hachée, des phrases simples et courtes dégageant cependant une rythmique et une ambiance particulière.

J'avais aimé "les déferlantes", je crois que celui-ci me plait encore plus.

Ce livre est une belle occasion pour nous plonger à la fois dans la culture hopi et redécouvrir André Breton

roman

Joëlle Losfeld

8,65
Conseillé par
17 décembre 2010

une caresse de plume

Ce livre, je l'avais lu, il y a quelques temps, ma relecture fut un nouvel enchantement. L'histoire est comme un oiseau blessé qui tente de se libérer d'un passé, un homme prévenant qui ouvrira la cage en douceur de la mère et de son enfant dans laquelle elles se sont murées. L'ambiance est feutrée, douce comme une caresse de plume malgré les coups de bec qu'on ressent par cette douleur latente, mais la lecture est aussi enivrante qu'un vol d'oiseau. On se sent en apesanteur, comme libre mais tellement fragile, la faille est présente où peut surgir à tout instant le drame. Merlin parviendra-t-il à éloigner ces deux êtres meurtris et prisonniers des mots, d'un abime sans fond ?

Un réel moment de bonheur à lire cette histoire, "leur histoire"... une relecture qui m'a comblée, le temps avait effacé les détails et la fin mais je me souvenais tout à fait de cette femme, Anna, les oiseaux et Merlin personnage touchant.

Un livre que je vous conseille, sublime, remarquable, voyez le résumé, il en dit beaucoup et suffisamment pour vous faire flancher. Mis à part le côté littéraire, il est fort intéressant du point de vue psychologique, des traumatismes de l'enfance, nos attachements au passé, des douleurs qu'on communique à nos enfants, les problèmes de parole, vraiment un livre fort riche.

Tout le monde à son histoire plus ou moins encombrante, lourde mais ne vous méprenez pas, elle vous suit et vous incommode par moments, ressurgit ou vous empêtre dans votre présent. Le message de Merlin : apprendre à l'accepter, à se délivrer, ou la partager pour alléger ce fardeau... se libérer ... pour pouvoir enfin s'envoler vers d'autres cieux...

Conseillé par
17 décembre 2010

une perle rose dans un écrin de velours noir

Ce livre m’a été offert par l’auteur, Monsieur Gilles Durieux, que je remercie du fond du coeur pour ce très beau livre, riche de documents inédits, fourmillant d’anecdotes, tapissé de superbes photos, un vrai petit bijou, et la cerise sur le gâteau : le CD tout aussi inédit avec Jean Cocteau qui ouvre le bal.

J'ai pris mon temps pour cheminer sur les pas de la môme, explorant chaque photo, m'imprégnant de chaque temps fort de son ascension. Ce n'est pas un livre de plus parmi tant d'autres, loin de là, mais un livre qui ressemblerait à un album de famille, car les documents qui ont permis de concevoir ce livre, proviennent de gens honorables et passionnés, collectionneurs héritiers de Danielle Bonel – secrétaire d'Edith Piaf. Des photos en abondance, très jolies, j'ai notamment apprécié celles de Monsieur Charles Sinclair : page 61 "il l'a photographiée sous toutes les coutures, de dos, de face, de profil, à la vie comme à la scène, par vents et marées. Bref, son objectif a suivi la star, alors montante, comme son ombre, auréolée de lumière sur les planches parisiennes, pensive sur les quais de gare marseillais."

En parcourant ce livre, on ressent une certaine osmose entre la môme et les gens qui l'accompagnaient, une simplicité et une authenticité dans les rapports, créant une certaine "parenté" . Je crois que Gilles Durieux a su remédier à la blessure d'Edith Piaf, citée en haut de cette page : "je serai morte, et on aura tant dit de moi que personne ne saura plus vraiment qui j'aurai été. Cela n'a pas tellement d'importance, me direz-vous ?...C'est vrai. Mais c'est une idée qui me blesse"

Le môme de là-haut, retrouve son sourire, de savoir enfin qu'un auteur a su, nous peindre son portrait aussi réaliste qu'authentique, sans fioriture inutile, elle dans toute sa passion, sa rage d'aller sur le chemin de la chanson, ses amours et ses amis, sa faiblesse et ses chagrins, sa bataille et ses victoires. Un petit moineau si frêle, si fragile, mais pourtant si fort, si courageux, à voler d'une scène à une autre, puisant ses forces au tréfonds de sa conviction et sa passion.

Page 9 :"Elle est née, a vécu, est morte comme un moineau de Paris, de Paname. Rien chez elle, en elle, ne me laissait indifférent. En l'écoutant, je ne verse pas de larmes, elles sont internes, elle me coulent dans le cœur. Il y a sa vie qui commence à Belleville dans les rues glauques, comme dans un roman d'Eugène Sue ou de Dickens. J'aime Patrice Delbourg, le poète, quand il parle de la Môme : Sa petite robe noire est le sésame de tous les rêves. Chaque fois qu'elle chante, on a l'impression qu'elle s'arrache l'âme une dernière fois." Oui, c'est tout à fait cela. Elle s'arrachait l'âme." Jean-Paul Mazillier

Le livre reflète parfaitement la môme comme elle devait être au quotidien, une femme attentionnée et affectueuse, travailleuse et déterminée, chaleureuse et tendre, c'est du moins ce que j'ai ressenti tout le long de ma lecture. J'ai beaucoup apprécié également lire les petits billets d'Edith, des débuts de chansons inachevées, les consignes à son entourage et ses musiciens, ses cahiers de leçons d'anglais, c'est touchant de lire tous ces papiers et ça renforce cette impression de la découvrir à nu, autrement que de coutume ou ce dont on pourrait imaginer ou croire à travers tous les articles, livres en circulation.

Je ne voudrais pas en dire trop ni trop peu, mais le plaisir de découvrir cette perle rose, dans son écrin de velours noir, reste incontestablement de plus loin un beau témoignage fidèle de cette grande dame de la chanson française. Je vous invite à feuilleter avec délicatesse ce livre merveilleux, de flâner sur les routes d'Edith Piaf, vous découvrirez certainement une autre facette de cette femme courageuse et talentueuse.

Puis Noël approche, une belle idée de cadeau à offrir à toutes les mamans, mamies et toutes personnes passionnément fidèles à la môme. Un bel ouvrage, tous les ingrédients sont rassemblés, la qualité, l'authenticité, des superbes illustrations, sans compter les documents inédits, et le CD pour parfaire le tout. N'hésitez plus à vous l'offrir et à l'offrir.

Je réitère tous mes remerciements à Gilles Durieux pour ce superbe cadeau que je garderai bien précieusement tout près de mon cœur et dont j'aurai grand plaisir à ouvrir souvent.

Conseillé par
11 novembre 2010

un premier roman parfait

Un réel bonheur de lecture, une plume somptueuse, douce, caressante qui nous dorlote dans les méandres de cet amour au féminin pour la première partie, celle que j’ai le plus aimé. Car Emma m’a fortement impressionnée, tout en liberté et jouissance, extravagante et ivre de vie alors que Thérèse m’a émue et quelque peu effacée par la majestueuse Emma, mais dans son sillage elle finira par la suivre. Puis il y a Karl, François, tant d’amour à goûter, à dévorer…

Quand vient Marcel enlevant Emma de sa vie fougueuse, Emma “se range” , Emma se marie, Emma devient maman, Emma n’est plus Emma. Cette deuxième partie est consacrée à la vie d’Emma en Alsace, où l’auteur nous dévoile cette partie de la France qui a été maintes fois déchirée, blessure d’être tiraillée par deux nationalités, devoir s’effacer et suivre la marche de l’imposante Allemagne.

La troisième partie retrace le destin de Thérèse Pierre, personnage authentique qui a opéré dans la résistance bretonne. C’est Germaine qui révèle à la fille d’Emma en l’occurrence l’auteur, l’engagement de Thérèse durant la second guerre mondiale.

La quatrième est très courte faisant office de conclusion

Le roman n’est pas un ième X exemplaire d’histoire de guerre, aucunement ressenti cela, mais plus le destin de deux femmes, et c’est la première fois que je lis un témoignage historique côté alsacien.

L’écriture est un pur régal, j’avais mis des post-it au début et chaque page puis j’ai du me raisonner, mon livre n’était plus qu’ailes de papillon “jaune, vert, orange…” j’ai complètement fondu à cette plume si agréable, donnant à ce récit profond et à la fois tragique un voile de tendresse.

Superbe récit …

Beaucoup de passages qui reflètent cet amour des mots, la poésie en filigrane accentuée par la présence de Rimbaud, Eluard… je n’ai pu que succombée, ces cahiers d’écritures, toute une atmosphère qui hume bon l’encre et le papier. Sans compter l’exubérance d’Emma qui nous entraîne follement dans l’aventure. Le punch retombe quelque peu en deuxième partie, l’autre face d’Emma est beaucoup moins éblouissante cependant touchant , on découvre cette autre femme blessée, qui écrit : Je n’ai pas encore la force d’appréhender tous les moments de ce martyre. Quelque chose en moi se dérobe. Je ne peux rattacher ces précisions horribles à l’enfant toute de tendresse et d’activité intelligente qui a aimanté mon existence pendant dix ans.

C’est une Emma piégée et figée dans cette parenthèse particulière de l’histoire, prise entre deux feux, emprisonnée par l’amour de Marcel un personnage pas très tendre, et très attaché à ses valeurs allemandes.

Le personnage de Thérèse est moins marqué, elle opère dans l’ombre, reste fidèle à cet amour, et jette à corps perdu dans un autre combat.

commentaire

Phébus

Conseillé par
6 novembre 2010

Cette dernière phrase - “Une flamme très pure défiant la vie” -se suffit à résumé ce petit livre qui est ni un roman, ni une nouvelle, je dirai une longue lettre unique comme un dévidoir d’une blessure qui se doit de saigner, s’épurer, s’éclaircir et trouver au fin fond de cette douleur, le baume qui rendra cette plaie moins suintante, cicatrisant lentement au fil des mots écrits, pour ne pas dire jetés sur ce papier, tant on ressent sa déception, sa colère, son incompréhension et sa résignation.

Ce livre est l’unique de cette dame emportée par la tuberculose. A la lecture de ce récit, on ressent son empressement à livrer tout ce bouillonnement en elle, tant cette rupture sans autre explication que cette phrase : « Je me marie… Notre amitié demeure… » '(c’est un peu léger), blessant et complètement ahurissant. Elle dépeint donc ce récit autour de cette phrase, elle tente d’analyser le pourquoi du comment, elle expose le sens du mot “Amour mué en Amitié” (ce qu’il lui laisse) elle tente de comprendre comment elle conçoit cette relation avant et après cette phrase. Cette longue lettre n’est autre qu’un abcès qu’elle perce à vif en plus de sa maladie elle doit donc combattre cette souffrance supplémentaire.

Sa force qu’elle puise à écrire est sans doute le remède à cette blessure, dire ce qui n’a pas été dit sincèrement, mettre noir sur blanc les mots amers et chargés de rancœur, comment en être autrement alors qu’elle attendait du soutien, un amour de toujours, elle n’a qu’un lâche qui lui envoie cette lettre dérisoire avec cette simple phrase sans autres explications ni excuses.

Mais elle ne tombe pas dans l’apitoiement, le plus à plaindre serait même cet ignoble personnage qu’elle nommait “Bébé” , il ne mérite aucune éloge, ni nom, pas de pitié pour ce genre d’être humain égoïste sans une once de courage, et monsieur la prie de garder leur amitié, non mais puis quoi encore… elle l’envoie au diable et c’est ce qu’il mérite…

En résumé, un petit livre qui traversera le temps sans problème tant ce sujet est ô combien éternel, mais ce qui le rend intéressant c’est la manière qu’elle aborde cette rupture, comment elle l’analyse, elle la rend moins aigre et puise en elle, la noirceur du personnage afin de le rendre plus laid et plus rebutant que jamais à l’oublier au plus vite.
J’ai apprécié la note de l’éditeur qui commence ainsi :

“Le livre que le lecteur a entre les mains appartient à une espèce rare, à tous les sens de la parole : celle des écrits voués d’emblée par leur auteur à une sorte d’effacement, en tout cas à une discrétion haut revendiquée, fort éloignée des pratiques de l’ordinaire littérature.”

La note se poursuit expliquant que ce livre n’était pas voué à l’être, ne se cataloguant dans un aucun genre, a connu plusieurs éditions et chacun s’évertuant à le perpétuer dans le temps : pari réussi à ce jour à vous de reprendre le flambeau en lisant ce petit livre venu du fin fond du coeur d’une femme blessée, humiliée, bafouée mais qui a su garder la tête haute… Lisez donc, lisez ce “Laissez-moi”

“Ce livre, en bonne logique, aura donc connu l’épreuve du désert – mais ceux qui ont pratiqué le désert, justement, savent que c’est le lieu des plus hautes rencontres. Promis à toutes les fragilités, à toute les solitudes et peut-être à l’oubli, il aura réussi malgré tout à croiser la route de quelques passants de premier rang : Valéry, Claudel, Charles Du Bos, René Crevel, Henri Focillon, Clara Malraux… Tous ont clamé,sans être beaucoup entendu, leur admiration pour ces pages intraitables devant lesquelles ils ont rendu leurs armes.”