Nouvelles Questions Féministes, vol. 22(3)/2003

Deux thmes au centre de dbats politiques et mdiatiques actuels font l'objet du dossier prsent par ce numro de Nouvelles Questions Fministes.

La premire partie du Grand Angle met en vidence l'ambigut, du point de vue du genre, des politiques publiques: bien des dcisions politiques sont prises aujourd'hui "au nom de l'galit des sexes" (par exemple en Suisse, le relvement de l'ge de la retraite des femmes), alors que, de fait, elles dtournent le principe d'galit de ses objectifs fministes. Ces dtournements sont analyss dans trois articles consacrs la parit, l'adoption et au travail domestique. Examinant les tenants et les aboutissants de la rcente loi franaise sur la parit, Laure Bereni et Elonore Lpinard font valoir que si la revendication de parit avait pour objectif initial d'tre une mesure de "discrimination positive", devant garantir, par des moyens concrets, la reprsentation des femmes dans les parlements, elle s'est transforme en un principe d'galit formelle donnant des rsultats pour le moins mitigs. L'article de Bruno Perreau dvoile pour sa part les mcanismes juridiques par lesquels le principe d'galit entre femmes et hommes est utilis pour justifier le non-accs des personnes homosexuelles au droit l'adoption. Enfin, Christine Delphy analyse diverses politiques sociales censes tre mises en place "pour les femmes" mais qui, quand on y regarde de plus prs, encouragent les hommes ne pas faire leur part de travail domestique: dgrvement fiscal des couples, couvertures sociales en matire de scurit sociale (sant et retraite) que les hommes maris obtiennent "pour" leur pouse qui ne travaille pas, crches subventionnes.

La deuxime partie du Grand Angle se concentre sur les retournements du principe d'galit. force de dire que l'galit est dsormais atteinte, les fministes se retrouvent accuses par certaines de mener un combat d'arrire-garde, ou pire encore, d'avoir pouss notre socit discriminer les hommes, au bnfice des femmes pour lesquelles on en aurait trop fait. Les rcents crits d'Elisabeth Badinter, de Marcela Iacub et Herv Le Bras, largement relays par les mdias, entrent de plein pied dans cette phase de backlash antifministe. NQF publie trois articles qui y rpondent, dmontrant le manque de rigueur scientifique de ces intellectuelles, mis au service d'une entreprise de dqualification de la recherche et de l'action fministes. Il en ressort notamment que leur argumentation dpolitise la violence et la sexualit, lgitime les ingalits sexuelles, nie les rapports de pouvoir qui traversent la socit et prne une vision librale de cette socit o seul l'individu serait l'artisan de sa destine. Un constat traverse l'ensemble du numro: le fminisme associatif, acadmique ou institutionnel doit demeurer une force de dnonciation des ingalits et de proposition pour radiquer tous les systmes de domination (genre, classe, race, htronormativit) qui organisent les rapports sociaux.