Contre-histoire du libéralisme
EAN13
9782707185174
Éditeur
La Découverte
Date de publication
Collection
La Découverte Poche / Essais
Langue
français
Langue d'origine
italien
Fiches UNIMARC
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Contre-histoire du libéralisme

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A l'horizon de cet ouvrage, la critique d'un mythe contemporain tenant lieu de
quasi-vérité officielle. Le libéralisme, synonyme de démocratie et de défense
des libertés individuelles, aurait été concurrencé au cours du siècle
précédent par deux monstres jumeaux, les totalitarismes communistes et nazis.
Le nazisme étant pensé comme une réaction de peur panique face au bolchevisme,
ce dernier deviendrait le premier responsable des horreurs de cette époque
trouble, le véritable " péché originel du XXe siècle ". Mais la parenthèse
ouverte en 1917 serait aujourd'hui heureusement refermée, l'histoire
reprendrait le cours naturel qu'elle n'aurait jamais dû quitter : le
développement du libéralisme politique et économique.
Domenico Losurdo ne se contente pas de dénoncer l'hypocrisie du discours
libéral servant en réalité de couverture idéologique à la domination et à
l'exploitation. Son objet n'est pas l'écart entre les principes philosophiques
et la réalité. Il montre plutôt, de façon difficilement réfutable, que les
fameux principes du libéralisme ne sont pas ceux que l'on croit. La
philosophie libérale à partir de John Locke jusqu'à la Grande guerre n'a pas
grand chose à voir avec celle d'aujourd'hui. Il faut donc se garder de
l'illusion rétrospective consistant à projeter le libéralisme politique actuel
dans le passé, transformant le libéralisme en une sorte de doctrine éternelle.
Le livre accorde une grande importance à l'esclavage et à la colonisation. Non
seulement la philosophie libérale n'a pas fait la critique de ces processus de
domination, mais elle en a proposé une justification, très souvent d'ordre
racial. En ce qui concerne le traitement de la pauvreté, la plupart des
auteurs libéraux envisagent l'incarcération des chômeurs dans les fameuses
workhouses ou l'enrôlement forcé des marins au terme de véritables rafles dans
les quartiers pauvres. Démocratie et protection des droits individuels n'ont
ici aucune place. La liberté théorisée par le libéralisme est d'abord la
liberté des dominants. Celle des propriétaires du Sud des États-Unis dénonçant
comme un despotisme étatique toute tentative d'améliorer par la loi le sort
des esclaves. Celle des colons blancs chassant de leurs terres les peuples
autochtones. Celle des employeurs refusant le droit d'association aux "
instruments bipèdes " (les ouvriers selon Sieyès) et plus largement à la "
multitude porcine " (Burke). Bref, selon Losurdo, si la philosophie libérale
est bel et bien associée à l'idée de démocratie, il faut préciser
immédiatement qu'il s'agit de " la démocratie pour le peuple des seigneurs ".
La lecture du livre modifie profondément la perception de la philosophie
libérale. Losurdo fait apparaître une continuité, déjà partiellement aperçue
par Hannah Arendt, entre le XIXe et le XXe siècle. Le monde libéral d'avant la
première guerre mondiale (les États-Unis en particulier) voit s'accumuler un
énorme matériel explosif : déportation, déshumanisation, persécution,
extermination et obsession de la pureté raciale. Un livre de 1913 paru à
Boston s'intitule même : The Ultimate Solution of the American Negro Problem.
On aura compris l'intention de Losurdo : montrer que le nazisme plonge ses
racines dans la modernité libérale elle-même. Loin d'en être l'antithèse, il
en est l'un des accomplissements possibles. Ce que la rhétorique dépassée du "
totalitarisme " occulte complètement. En voulant, quoiqu'il en coûte,
assimiler communisme et nazisme, on se prive des moyens de comprendre le
siècle qui s'est écoulé ainsi que ses catastrophes. S'agit-il au terme de ce
parcours d'abandonner le libéralisme ? Non. Il s'agit de prendre acte du fait
que les principes actuels du libéralisme sont en réalité la synthèse du
libéralisme pour les dominants et des luttes pour la reconnaissance des
dominés (ouvriers, femmes et peuples non-blancs). Il s'agit aussi d'avoir
conscience des possibilités de régression du libéralisme vers des stades
antérieurs de son développement.
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