Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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4 juin 2016

Ouvrir un livre de Jean Echenoz, c'est d'abord se confronter à un style littéraire absolument magnifique, et non, n'ayons pas peur du mot tout superlatif qu'il soit. La langue est belle, travaillée, évoque des images ; les phrases sont parfois longues, très ponctuées -peut-être un peu moins que dans ses ouvrages précédents-, nourrie de mots ou de tournures dont on n'use plus que peu, elle est totalement déphasée par rapport au commun des livres et objectivement, vraiment réjouissante. Je lis d'abord Jean Echenoz pour son écriture et je me plais souvent à découvrir ses histoires. Lorsqu'en plus, il joue la carte de l'humour, du décalage, alors je ne résiste plus et j'avale les 313 pages lentement pour en savourer chaque mot, chaque expression et faire durer le plaisir.

Cette fois-ci, l'auteur s'attaque au roman policier et/ou d'espionnage, certes pas toujours crédible ; non seulement il en est conscient mais en plus, il joue avec le lecteur de ce manque de plausibilité, c'est d'ailleurs l'un des ressorts comiques du livre. Les autres ressorts, ce sont les personnages, un peu abimés, cassés, banals au possible et donc peu fréquents dans des histoires d'espionnage international. Jean Echenoz sait aussi se faire croiser les "seconds rôles" sans qu'ils se sachent mêlés à la même histoire. Le suspense est maintenu par les attendues rencontres des "premiers rôles" entre eux et avec les seconds rôles, par des détails qui feront qu'ils sauront être dans le même bateau. La langue de l'auteur ajoute à l'humour une grosse dose d'élégance, de classe. Si l'on compare avec des humoristes on est plutôt dans du Devos -ou du Desproges, mais en moins méchant- que dans du Bigard. Mais Jean Echenoz n'est point humoriste, plutôt blagueur, farceur, aimant par dessus-tout jouer avec les mots, avec ses personnages et les situations dans lesquelles il les met, loufoques, dingues, doucement folles. Lisez par exemple sa description d'un couple qui paraît mal assorti : "Voici maintenant plus d'un mois que Clément Pognel partageait la vie de Marie-Odile Zwang et rien ne se passait comme on s'y serait attendu. L'un ayant pu nous paraître une épave aboulique, l'autre une implacable harpie, on ne pouvait guère envisager d'autre existence commune à ces deux-là que sur un mode SM élémentaire, quotidien scandé d'insultes et d'ecchymoses, œil au beurre noir et dents brisées, Royal Canin en plat unique suivi d'une pincée de Destop dans le café." (p.99) Tout est du même acabit, un vrai plaisir vous ai-je dit. Jean Echenoz nous embarque avec légèreté, adresse et raffinement dans ses histoires, interpellant plusieurs fois les lecteurs avec un "on" qui les englobe dans la narration. Je me suis par moment, senti narrateur -pas écrivain- juste le mec qui raconte l'histoire tout en n'en sachant guère plus que le lecteur, normal me direz-vous puisque je suis lecteur.

Un livre excellent, que je conseille à tous. Un coup de cœur.

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4 juin 2016

De Soledad Bravi, je connaissais déjà La BD de Soledad, recueil de ses chroniques dans Elle. Sympa (je viens de relire mon article et je me demande bien ce que j'avais pris avant de l'écrire). Bart is Back n'est pas dans le même genre, il ne faut surtout pas se fier à la couverture du livre -pas celle qui est présentée en photo, c'est une jaquette, celle du dessous qui est d'un beau rose pastel avec un chat (en plusieurs poses) qui joue avec une pelote de laine. Car ce roman graphique est cruel, n'oubliez pas que Bart est un Zombie, il n'hésite donc pas à croquer la première personne qu'il croise et qui veut le caresser. Mais je rassure les âmes sensibles, d'abord c'est de l'humour, noir certes, mais de l'humour quand même et ensuite rien dans le dessin n'est choquant, car traité par l'humour itou. Le dessin justement est simple, du gris, du blanc et du noir, du rouge un peu pour le sang et quelques rares couleurs pour Bart lorsqu'il est Zombie Cat notamment.

Plutôt moderne, la BD, sous prétexte d'un fait divers assez drôle parle quand même de la liberté, du prix d'icelle, des sacrifices qu'il faut faire pour l'obtenir. Ce n'est évidemment pas un traité philosophique, mais ce n'est pas ce qu'on demande à Soledad Bravi et à Bart. Pour les amateurs de chats, sachez qu'on est assez loin du bon et beau matou de certains livres qui se prélasse sur le canapé, c'est une autre manière de parler de ces félins, de leur côté sauvage et indépendant. Pas sûr que ça plaise à ceux qui postent des vidéos de chatons tellement adooooooorables sur facebook ! Moi, perso, ça me plaît bien, ça me fait rire.

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4 juin 2016

Mise à part une remarque liminaire à l'éditeur, sur l'orthographe du nom de l'auteur tour à tour Bohringer ou Borhinger (la bonne est sur la couverture représentée, mais si on ôte la jaquette, c'est l'autre, pareil en 4ème de couverture, ça change en fonction de la ligne), puis sur quelques coquilles laissées, je dois dire que ce livre m'a énormément plu, comme tous les autres de Richard Bohringer. J'aime son écriture, on a l'impression de l'entendre nous lire son texte avec ses changements de rythme, d'intensité, sa voix si reconnaissable, pleine de vie, ses emportements, ses moments de tendresse, ses pauses, tout ce qui fait de l'auteur ce type attachant à la si forte personnalité.

Les premiers rounds sont consacrés à sa jeunesse et aux maladies qu'il a contractées : cécité pendant deux ans puis scoliose sévère qui l'ont obligé à partir loin de Paris pour se faire soigner. Puis le retour, les petites conneries, puis la montée crescendo vers la dope et l'alcool. Le cinéma, le théâtre, les voyages, les rencontres masculines, ceux qui deviendront ses amis, ses proches, les rencontres féminines -la maman de Romane et la maman de ses autres enfants surtout : "C'est en Savoie que j'ai rencontré Astrid. Si jolie avec son anorak bleu dans la neige blanche. Jolie comme l'aurore derrière la montagne. Gracieuse comme une gazelle avec du bélier qui coule dans ses veines. Elle était la nature. Ça me plaisait. J'ai toujours aimé profondément la nature et elle en était un moment." (p.104)-, la recherche du père et de la mère qui l'ont laissé auprès de sa grand-mère....

Je serais trop long si je voulais aborder tous les thèmes dont parle R. Bohringer, c'est l'histoire d'une vie, de sa vie, de sa naissance à la maladie qui le ronge depuis quelques années, le cancer. Le lire, c'est l'entendre, d'autant plus qu'il s'adresse directement à nous, apaisé, sa colère transformée ou laissée de côté pour ne se souvenir que des belles choses : "J'ai soixante-quatorze ans et je tire la route avec toute l'énergie de chaque instant. Il y a des gens qui m'aiment et des gens qui ne m'aiment pas. Alors, ma quête, mon graal, mon attirail de quincailler, mes bontés et le bruit que fait ma vie, le beau et le pas beau, juste un humain, je suis juste un humain. Ça peut prendre toute la vie. C'est promis, vous qui désespérez, chers lecteurs, de devenir meilleurs, vous avez de longues années encore devant vous. Il faut juste se mettre dans l'idée ! Se préparer à son olympisme." (p. 245)

Au fil de ses ouvrages, Richard Bohringer a su construire une œuvre à part, littéraire assurément, qui lui ressemble. J'ai presque tout lu et tout aimé (seuls trois autres titres sont recensés sur le blog, les autres je les ai lus avant : Traîne pas trop sous la pluie, Les nouveaux contes de la cité perdue, C'est beau une ville la nuit). Quinze rounds est différent dans le ton, ressemblant dans la forme. Ceux qui aiment Richard Bohringer apprécieront de le voir apaisé, tranquille et auront -au moins- un pincement au cœur de le voir parler de sa mort. Ceux qui ne l'aimaient pas avant, eh bien je doute qu'ils l'aiment plus avec ce livre. Tant pis pour eux.

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4 juin 2016

A priori, ce genre de livres n'est pas mon truc. Mais j'ai bien aimé les romans policiers de Frédérique Volot (La Vierge-Folle, 59, passage Sainte-Anne), et comme elle a eu la gentillesse de m'écrire un mot rien qu'à moi sur mon exemplaire, je me suis penché dessus. Ce qui semble être un récit très personnel -même s'il est noté que c'est un roman-, puisqu'il est dédicacé "A Ettore/Hector, mon grand-père. A Lucie, ma grand-mère. A Pierina et Marthe, mes arrière-grands-mères" est finalement assez universel. Les personnages vivants sont très romanesques et même lorsque les vies semblent -malheureusement- plus banales comme celles de Marthe et Lucie, mère et fille frappées par un mari et père violent, Frédérique Volot sait les faire résonner au même titre que le parcours chaotique, difficile et mouvementé d'Ettore.

Je ne vais pas en faire des tonnes, certains aspects du genre ne me plaisent pas : la saga, les anecdotes familiales et villageoises, les très nombreux dialogues, mais le contexte que décrit l'auteure est très bien rendu et une découverte pour moi. Certains paragraphes résonnent fortement aujourd'hui, les situations sont semblables et les réactions, malheureusement aussi, lorsque Ettore arrive en France fuyant le fascisme : "Depuis peu, les conditions d'accueil avaient changé. La Ligue cherchait à limiter l'afflux de nouveaux arrivants, lançait même des avertissements aux allures de menaces à tous les étrangers tentés par l'installation en France. (...) De leur côté, les politiques expliquaient que la France n'était plus la terre d'asile rêvée, que le nombre de chômeurs y était déjà trop élevé, que l'on devait d'abord se préoccuper du sort des nationaux." (p.195). J'avoue ma grande inculture en ce qui concerne la guerre entre l'Italie et l'empire austro-hongrois et les exactions inhérentes aux conflits, je ne connaissais pas non plus l'existence du camp de Watten (dans le Nord) dans lequel étaient déportés les étrangers, essentiellement des Yougoslaves, des Italiens et des Russes, c'est donc une découverte, et m'instruire en lisant un roman, ça me plaît. Ettore a participé à la construction du blockaus d'Eperlecques dans des conditions terribles.

Si vous passez par la collection Terres de France des éditions Presses de la cité, arrêtez-vous un moment auprès d'Ettore et Lucie, qui au travers de leur petite-fille, vous raconteront leurs histoires. Un bel hommage. Un exercice pas toujours facile, qui, malgré mes réserves, se lit avec plaisir.

François Pierre LA VARENNE, LA VARENNE

Vendémiaire

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4 juin 2016

La première chose qui vient à l'esprit en feuilletant ce livre, c'est qu'il est beau, richement illustré et que la langue (pas celle de porc ou de bœuf, même s'il en est question) est datée et étrangement belle, des tournures qu'on ne retrouve plus guère maintenant ni dans les romans ni dans les livres de cuisine. Rien que les nom de certains plats ou de titres de chapitres sont dépaysants : "Entrées qui peuvent se faire dans les armées ou à la campagne", "De plusieurs sortes de choses à confire, pour garder dans le ménage de la maison ou de cabaret".

Si certaines recettes semblent encore faisables de nos jours -notamment tout ce qui concerne les confits, confitures, et boissons-, il n'en est pas de même pour toutes quoique elles pourraient endiguer la prolifération de certaines espèces non endémiques : Potage de tortues : Prenez vos tortues, coupez-leur la tête et les pieds, faites-les cuire avec de l'eau, et quand elles seront presque cuites, mettez un peu de vin blanc, des fines herbes et du lard. Lorsqu'elles seront cuites, ôtez-les de la coquille et tirez-en la bile, coupez-les par morceaux et passez-les à la poêle avec du bon beurre, puis faites-les mitonner dans un plat, ainsi que votre pain et votre bouillon. Enfin, garnissez vos tortues bien assaisonnées d'asperges coupées et de jus de citron, puis servez." (p. 21) Végétariens abstenez-vous car il est beaucoup question de viandes, de poissons, dans ces années-là, on présentait cinq plats par repas (pour ceux qui en avaient les moyens, les plus pauvres n'en avaient souvent qu'un seul, le simple potage).

Le XVII° siècle est celui où la cuisine française se modernise et acquiert ses lettres de noblesse qui en feront plus tard et pour longtemps la meilleure cuisine du monde. La Varenne fut un précurseur du livre de cuisine, de la cuisine au beurre (la recette du beurre clarifié que l'on conseille encore de nos jours est dans ce livre). Son éditeur, Pierre David, en 1659, dans la préface écrit des phrases totalement d'actualité : "Nous connaissons quantité d'ouvrages, et qui ont été bien reçus, sur les remèdes et les guérisons des maladies à peu de frais, sans avoir recours aux apothicaires. Mais celui-ci, vous enseignant les manières de corriger les qualités vicieuses des viandes par les assaisonnements diversifiés, qui n'a de même pour but que la conservation et le maintien de la bonne santé, qui ne tend qu'à donner à l'homme une nourriture solide, bien apprêtée et conforme à des appétits qui font, en beaucoup de personnes, la règle de leur vie et de leur embonpoint, ne doit pas, à mon avis, être moins considéré. En effet, il est bien plus doux de faire une dépense honnête et raisonnable, à hauteur de ses moyens, en ragoûts et autres délicatesses de viandes pour faire subsister la vie que d'employer une immense fortune en remèdes pour recouvrer la santé." (p.11)

Un ouvrage à feuilleter, qui peut donner des idées, j'en ai repéré quelques unes pour cuisiner les vieux légumes qu'on a de plus en plus sur les marchés (panais par exemple) voire même ceux qui ne sont jamais tombés en désuétude mais qu'on a tendance à toujours utiliser de la même manière. Bon, je ne dis pas que je ferai des adeptes et je croulerai sous les éloges des convives habituels, mais je vais essayer, ça me donnera la petite motivation qui me manque pour préparer les repas quotidiens.

Allez, bon appétit !