La Dame Blanche

Zuttion Quentin

Le Lombard

  • Conseillé par
    8 juin 2022

    Estelle est infirmière dans un EHPAD. Tous les jours, elle est confrontée à la fin de vie, à la mort de résidents auxquels elle s'est attachée. Ce lien dont les personnes âgées ont besoin, n'est pas toujours du goût des familles, et il pourrait bien faire perdre pied à Estelle.

    Heureusement, son amie Sonia est très présente, elle aussi infirmière dans le même établissement, et Estelle a trouvé un moyen de se souvenir de chacun des résidents dont elle s'est occupé.

    Très beau roman graphique bleuté, avec ça et là, des touches d'autres couleurs, lorsque la vie se déroule en extérieur ou hors de l'EHPAD. Même si Quentin Zuttion romance son histoire, il met en avant l'implication des soignants auprès des personnes âgées, le soin qu'ils apportent à la fin de vie, à tenter de pallier aux absences des familles qui s'éloignent par manque de temps, par peur de voir son parent veillir et mourir... Estelle est sans doute très -trop- impliquée, qui ne parvient qu'à peine à se sortir de son travail lorsqu'elle est en repos. Mais ce travail est tellement prenant qu'on le comprend aisément.

    Quentin Zuttion raconte le quotidien des soigants, à l'encontre de ce que l'on peut entendre sur les maltraitances qui ont cours dans certains établissements, mais il décrit néanmoins les conditions de travail, les sous-effectifs, le manque de temps et la pression des familles qui peuvent mener vers ces dérives.

    C'est extrêmement bien fait, et le dessin et les couleurs sont magnifiques. Parfois, le bédéiste suggére davantage les formes qu'il ne les dessine de manière réaliste, c'est très beau. Un hommage au personnel des EHPAD dont le travail est mal reconnu, et pourtant éprouvant physiquement et émotionnellement.


  • Conseillé par
    26 février 2022

    Une dernière danse...

    Briser les tabous, encore et toujours, autour de la vieillesse et de la mort. Dans cette BD aux tons bleutés, Quentin Zuttion raconte la fin, les vieux, au travers des yeux d'une jeune infirmière. On rit, on pleure et surtout on valse avec ces personnages cabossés, tous en quête d'une belle fin à leur histoire.


  • Conseillé par (Libraire)
    17 janvier 2022

    Touchant et juste

    Certains appellent cela des « fleurs de cimetières ». Elles sont le début de la vieillesse, le début de la fin. Elles sont le début de la Bd, terrifiantes, omniprésentes sur le corps de la vieille Madame Suzanne. Ces taches sur la peau qui vieillit, traversent cet ouvrage jusqu’à la dernière case. Elles sont le symbole de ce que l’on tait et de ce que l’on cache: le corps qui faiblit, la peau qui flétrit, les muscles qui défaillent. Le premier défi réussi de Quentin Zuttiou est celui là: oser montrer sans artifice ce qui fait d’abord la vieillesse et qui finit par occuper tout l’espace, ce corps qui se manifeste dès le lever du matin, que l’on détaille chaque jour pour savoir si tout fonctionne bien, ce corps qui est abandonné peu à peu, pour la toilette, pour le repas aux mains des soignants et soignantes, ce corps qui appartient alors aux autres et si peu à soi même.

    C’est Estelle, infirmière dans la maison de retraite « Les Coquelicots » qui nous sert de guide, nous ouvre les portes derrière lesquelles se cachent tant de vies, tant de souffrances, tant de fantasmes. On ne côtoie pas chaque jour impunément la mort et Estelle se débat avec les liens intimes qu’elle tisse avec certains résidents et le nécessaire détachement à la souffrance d’autrui. Elle tâtonne, elle doute, fait des choix hasardeux, se perd parfois entre amour, pitié, tendresse et détresse.
    Quentin Zuittou a travaillé comme étudiant dans un EHPAD, très « impliqué émotionnellement » il avoue avoir été marqué par le « contraste entre les moments de vie, les rires, les chants et la mélancolie d’une vie passée ou d’une mort qui tarde à venir ». C’est sur ce fil du rasoir que surfe l’auteur qui évite tous les pièges du genre, et nous offre une palette large et humaine de résidents si différents: le vieil homme qui s’excuse d’avoir un émoi sexuel sous le frottement d’une serviette, la vieille dame qui renie son passé pour s’inventer un poste d’ambassadrice à Prague, Sophie qui rêve encore de s’enfuir avec sa jeune bien aimée. Chacune, chacun enfermé dans un monde qui se réduit chaque jour et dans lequel il faut essayer de trouver des fenêtres ouvertes sur la réalité ou l’imaginaire. L’observation est clinique, vécue, réelle mais pleine d’empathie et de compréhension et n’hésite pas à évoquer des images d’une rare poésie.

    Le dessin magnifique est au diapason, évitant le manichéen noir et blanc, pour adopter un bleu froid, monochrome que viennent éclairer, des couleurs resplendissantes utilisées pour exprimer des souvenirs, des fantasmes de joie et de bonheur. Il permet par sa poésie de faire entrer l’imaginaire dans des pages qui acceptent le réalisme, de faire côtoyer sur une même page, la mort et la vie.

    La Dame Blanche, ce personnage lumineux qui aperçu sur le bord de la route est, selon la croyance populaire, un présage de mort, fait partie des ouvrages qui vous accompagnent plusieurs jours après leur lecture. Vous guetterez alors sur votre peau ces petites taches brunes, sans importance, banales. Pour certains elles sont déjà là. Alors cette Bd vous parlera au présent. Pour d’autres elles sont encore cachées et dissimulées par les années à venir. Cette Bd vous parlera au futur. Mais elle parlera à tout le monde car elle évoque avec une intelligence rare ce qui nous attend tous et que nous ne préférons pas voir. Quentin Zuttiou nous aide à ouvrir nos yeux quitte à nous faire pleurer mais il célèbre en même temps un formidable hymne à la vie.